Betteraves sucrières : comment sont sélectionnées les meilleures variétés ?

Les variétés de betteraves sucrières qui répondent aux besoins de la filière sont le résultat d'un processus de sélection long et complexe.

La sélection des betteraves sucrières est un processus complexe. Les semences de betteraves commercialisées par Florimond Desprez étant des hybrides, nous sélectionnons à la fois des mâles (pollinisateurs) et des femelles (porte-graines). Il existe deux schémas de sélection permettant d’améliorer indépendamment l’un de l’autre ces deux composants. Dans cet article, nous nous attarderons uniquement sur le processus de sélection des pollinisateurs et le choix de la combinaison mâle/femelle permettant d’obtenir l’hybride. 

Etape 1 : le croisement

Pour réaliser un croisement de betterave sucrière, le sélectionneur choisit deux parents avec des caractéristiques complémentaires. Par exemple, il prend d’un côté un mâle avec un bon niveau de productivité et une bonne richesse en sucre mais qui est très sensible aux maladies, et de l’autre côté, une femelle très tolérante à la cercosporiose. Le sélectionneur cherche donc à combiner les points forts du mâle avec ceux de la femelle et obtenir un hybride de betterave avec une bonne productivité, une bonne richesse en sucre, très tolérant à la cercosporiose. Cependant, il existe une probabilité d’obtenir une descendance qui présente les points faibles des deux parents : c’est pour ça que la sélection est nécessaire pour choisir les meilleurs individus.

Un généticien met une feuille de betterave dans des tubes qui iront dans une machine permettant de vérifier la présence des gènes d'intérêt grâce à des marqueurs moléculaires

La sélection des betteraves sucrières est un travail titanesque et minutieux : pour les milliers de croisements effectués chaque année chez Florimond Desprez, près d’une heure est nécessaire pour préparer chaque plante au croisement (castration, mise sous sachet…). La fleur de betterave étant hermaphrodite, une étape de castration est nécessaire pour obtenir des plantes femelles qui seront pollinisées par le mâle (pollinisateur). Sans celle-ci, la fleur s’autoféconderait et le croisement ne pourrait pas avoir lieu. 

Une fois le croisement réalisé, il faut attendre quelques mois pour que les graines arrivent à maturité et puissent être récoltées. Elles sont ensuite re-semées en serre pour que ce plant de betterave s’autoféconde

Pour certains caractères recherchés, comme la tolérance à la rhizomanie, les équipes de biotechnologies de Florimond Desprez vérifient la présence du gène d’intérêt dans la descendance grâce à des marqueurs moléculaires.  

Ce marquage interviendra à chaque étape de la sélection, pour ne garder que les individus qui répondent au besoin du marché et des agriculteurs. 

Etape 2 : l’autofécondation

L’autofécondation est une étape nécessaire dans le schéma de sélection de la betterave sucrière afin d’obtenir des individus fixés à l’état homozygote (c’est à dire possédant la même version de chaque gènes sur ses deux chromosomes). La betterave étant hermaphrodite, elle peut s’autoféconder sans intervention extérieure. Cependant, un gène de stérilité mâle a été découvert, qui permet d’obtenir des plantes uniquement femelles. Ces plantes sont utilisées comme porte-graines pour la production de semences.  

Depuis des années, chez Florimond Desprez, les sélectionneurs ont mis en place des outils permettant d’accélérer le cycle de développement des plantes : grâce à des chambres de cultures, des serres à la pointe de la technologie, des chambres froides… Le cycle de graines à graines est de 9 mois au lieu de 18 mois dans la nature. 

Chaque graine récoltée sur une même plante correspond à un génotype, donc à un individu, différent. Chaque individu devra être semé pour connaître son phénotype. Cependant, le marquage moléculaire permet de déterminer si les gènes d’intérêt sont bien présents. 

Des plants de betteraves sont en serre, irriguées en goutte à goutte
Un champs avec des tunnels, dans lesquels un mâle et plusieurs femelles de betteraves sucrières sont plantés pour se multiplier

Etape 3 : la multiplication en cage des betteraves sélectionnées

Les graines de betteraves sucrières issues de l’autofécondation sont multipliées à petite échelle dans des « cages d’isolation », car pour pouvoir les semer directement au champ, le sélectionneur a besoin d’une certaine quantité de graines de chaque individu. 

Dans les plaines, vous avez peut-être déjà croisé ces lignes de cages, des structures en métal couvertes d’une bâche. À l’intérieur, on vient mettre à proximité un de nos mâles pollinisateur avec plusieurs femelles identiques et standards qui serviront de porte-graines. Chaque cage correspond à un hybride, ce système permet d’éviter les « contaminations » ou passage de pollen d’une cage à l’autre, ce qui fausserait le travail de sélection. 

Les graines obtenues après ce croisement sont les graines d’un hybride de betterave sucrière de première génération qui pourra être évalué au champ dès l’année suivante.  

Etape 4 : les essais en micro parcelles

Au moins deux années d’expérimentation sont nécessaires pour évaluer ces hybrides de betterave sucrière de première génération : la première année, seule une petite partie est retenue pour une deuxième année de test. À l’issue de cette deuxième année, ils sont encore moins à sortir du lot et à continuer le processus de sélection.

Chez Florimond Desprez, les critères pris en compte pour cette sélection drastique sont le niveau de productivité et de richesse, mais aussi la tolérance à différentes maladies majeures de la betterave, comme les maladies du feuillage ou racinaires. Pour évaluer au mieux les hybrides, différents outils sont nécessaires : par exemple, Florimond Desprez dispose d’une machine d’arrachage innovante qui mesure directement aux champs le rendement de chaque micro parcelle et récupère un échantillon de pulpe pour analyses en laboratoire.  

En parallèle, les semences des hybrides sélectionnés continuent à être multipliées à petite échelle dans des cages et des tunnels. 

Ces étapes de sélection concernent le pollinisateur : elles représentent sept années de travail et permettront de sélectionner les meilleurs pollinisateurs. Cependant, ce n’est pas ce pollinisateur qui est commercialisé mais un hybride de betterave qui correspond à la combinaison d’un pollinisateur sur une femelle, qui a elle aussi été sélectionnée en parallèle. 

Ligne de betteraves en pleine terre au champs
Un sélectionneur qui observe les pieds de betterave au champs

Etape 5 : le choix de la combinaison pollinisateur/femelle

Pour choisir la combinaison pollinisateur/femelle dont découlera la variété de betterave sucrière commercialisée, c’est aux champs que ça se passe : on dispose d’un pollinisateur pour plusieurs femelles. Chez Florimond Desprez, la combinaison se fait sur des critères tels que la richesse, le rendement, la synchronicité de la floraison entre le mâle et la femelle, la faculté de germination (taille des graines, qualité de semences, graines pleines…), entre autres. 

Les graines des hybrides issus de ce croisement seront testées en micro parcelle pendant au moins 2 ans avant d’être déposées au CTPS pour inscription, si leurs caractéristiques correspondent aux attentes de la filière betteraves sucrières. 

Dix ans de travail sont nécessaires pour mettre à disposition de la filière les variétés les plus productives présentant aussi un bon niveau de tolérance aux maladies. Les équipes sont prêtes à relever les nouveaux challenges auxquels elle doit faire face, tels que la tolérance à la jaunisse ou les stress hydriques de plus en plus fréquents. Les perspectives d’évolution de cette espèce restent énormes, les sources de diversité génétique restent à explorer. Il y encore du potentiel à exploiter.