La chicorée industrielle appartient à la grande famille des Astéracées, au même titre que le tournesol, le pissenlit, la laitue ou l’artichaut. L’espèce Cichoriumintybus regroupe les chicorées dont les feuilles sont utilisées directement en salade (Pain de sucre, Chioggia, Vérone, Trévises etc.) ou après forçage des racines, les witloofs ou « chicons », et les chicorées dites industrielles cultivées pour leurs racines. C’est une espèce bisannuelle, cultivée sur un cycle d’un an par les agriculteurs pour la production de racines, et sur deux ans pour la production de semences. L’hiver après la première année de cultures, la floraison va être déclenchée après une période de froid suffisante (qu’on appelle la vernalisation) ; la chicorée industrielle est entomophile, c’est-à-dire pollinisée par les insectes (contrairement à la betterave, anémophile, qui est pollinisée par le vent). Sans insectes, pas de graines !
Les premiers écrits sur la chicorée remontent à près de 2000 ans avant J.C, au temps de l’Égypte antique. Le papyrus d’Ebers l’un des plus anciens papyrus connus fait déjà mention de la chicorée (XVIe siècle av. J.-C., pendant le règne d'Amenhotep Ier). Les propriétés médicinales et notamment digestives de celle-ci sont rapidement décrites par Dioscoride, un médecin grec de l’armée romaine, dans son traité De Materia Medica, ouvrage qui fera référence jusqu’à la fin du XVIe siècle. Charlemagne, soucieux du bien-être de ses ouailles, inscrit ensuite la chicorée comme l’une des quelques plantes médicinales à absolument cultiver dans les jardins des domaines dont il a la charge (réf : Le Capitulaire de Villis). Les premières améliorations de la chicorée sont aussi réalisées par les moines bénédictins au Xe siècle, à des fins médicinales et alimentaires.
Deux types de chicorées sauvages sont identifiés dans les années 1800 : la chicorée de Magdebourg à racine longue et riche, et la chicorée de Brunswick à grosse racine type « betterave sucrière ». C’est de là que commence la sélection de la chicorée industrielle telle que l’on la connaît aujourd’hui ! Le blocus continental de 1806 empêche l’importation de café en Europe, et c’est donc Napoléon qui favorise le développement de la chicorée en France, et particulièrement dans le Nord. Les industries se développent en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Aujourd’hui, la chicorée industrielle est cultivée pour deux types de produits : la boisson - principalement dans le Nord de la France, et l’inuline, fibre insoluble pour ses propriétés digestives en Belgique et en Hollande. La sélection commence en 1971 chez Florimond Desprez sur demande des industriels qui souhaitent des variétés plus riches en matière sèche soluble. Les premières variétés arrivent dans les années 1980 avec notamment Orchies, toujours vendue aujourd’hui et répandue mondialement.
La chicorée industrielle est une plante rustique, et peu gourmande en intrants avec la possibilité d’une conduite « 0 azote » avec les variétés actuelles. Néanmoins, elle présente quelques inconvénients pour l’agriculteur comme la possibilité de désherbage, point crucial pour des petites cultures cibles, secondaires pour les homologations de produits. Pour pallier ce problème, des variétés tolérantes aux sulfonylurées (une classe d’herbicides déjà homologuée sur cette culture) ont été développées dans les années 2000 par Florimond Desprez. Ces variétés résultent d’un croisement entre une chicorée industrielle et un chicon dans lequel une mutation naturelle a été identifiée. La variété plus tolérante peut ainsi être traitée plus précocement, avec des doses équivalentes ou plus faibles, tout en présentant des efficacités bien supérieures, les mauvaises herbes étant « plus jeunes » et donc plus sensibles.
Il faut des cycles de 8 à 10 ans pour produire une variété alliant rendement, la résistance à la montée et qualité industrielle. La sélection est encore plus complexe et coûteuse si l’on ajoute d’autres objectifs comme la résistance aux Phoma et Phytophtora - deux maladies racinaires présentes au Chili par exemple, mais se développant aussi en Europe.
La qualité quant à elle reste un critère majeur de sélection pour la chicorée industrielle et demeure différente selon les marchés, les usages.
Pour la France et le marché à boisson, des variétés productives riches en matière sèche soluble et avec un faible niveau d’asparagine (un acide aminé précurseur de l’acrylamide, un produit potentiellement cancérigène à très haute dose) sont nécessaires.
Pour la Belgique, les Pays-Bas et le marché à inuline, il faut ici des variétés productives et riches en inuline, et avec un niveau d’inuline stable tout le long de la campagne d’arrachage (le froid active la dégradation de l’inuline).
L’amélioration de ces critères passent par des essais aux champs, des analyses qualité en laboratoire et des analyses génétiques. Florimond Desprez a en effet créé la première carte génétique de la chicorée industrielle en 2010 (Cadalen et al., 2010) regroupant la majeure partie des gènes d’intérêt. Elle a aussi complété ses connaissances sur les gènes et leur fonction, les génomes dans leur globalité, par des séquençages complets de chicorée.
Nos travaux de sélection ont ainsi permis de doubler le rendement en 40 ans et d’offrir des variétés plus riches pour les industriels et moins gourmandes en intrants.
La recherche scientifique est au cœur de la sélection, en travaillant sur de nouveaux débouchés et de nouveaux gènes d’intérêt en partenariat avec des institutions et des partenaires industriels, en France et à l’étranger.
Les renseignements fournis dans ce document ne sont donnés qu’à titre indicatif et peuvent varier en fonction des conditions climatiques et écologiques ainsi que des techniques culturales. La résistance aux maladies concerne les maladies ou souches actuellement connues et étudiées en France.