La sélection variétale, aussi appelée création variétale ou amélioration des plantes, consiste à choisir des plantes pour leurs caractéristiques et à les croiser entre elles pour obtenir une variété qui répond à un besoin précis (agricole, agronomique, technologique, alimentaire…). Variétés à haut rendement, résistantes aux maladies et aux bioagresseurs, adaptées aux différents débouchés… Autant de critères pris en compte pour créer des variétés de blé, de triticale, d’orge, de pois, de soja, de betteraves, de chicorée chez Florimond Desprez !
Si elle semble récente, la sélection variétale n’est pourtant pas une méthode nouvelle. Mais la sélection variétale telle que nous la connaissons aujourd’hui fait appel à de nombreuses compétences et disciplines : génétique, agriculture, biologie, pathologie, informatique, statistiques…
Delphine Taillieu, responsable du laboratoire Céréales, nous explique : « Quand l’Homme a commencé à se sédentariser, l’agriculture s’est mise en place. C’est aussi là qu’a commencé la sélection des plantes, en même temps que leur domestication, il y a donc plus de 10 000 ans. La sélection variétale débute tout naturellement : l’Homme décide de récolter et ressemer les grains des plantes les plus intéressantes de par leurs caractéristiques, et d’abandonner celles qui répondent moins à ses attentes. Cette sélection variétale empirique va continuer pendant des milliers d’années, les critères évoluant au fil du temps : on commence à prendre en compte le rendement, la conservation, la récolte… C’est au XIXe siècle que les premiers croisements de parents choisis vont commencer, grâce aux découvertes de Gregor Mendel sur la génétique. Avec le progrès technologique, les techniques de sélection variétale vont elles aussi évoluer : de nombreux outils aident désormais les sélectionneurs pour aller toujours plus loin dans le processus de création variétale. »
On peut retenir quelques dates importantes dans l’histoire de la sélection, comme les premières hybridations de Charles Naudin en 1863, les lois de Mendel en 1865, l’application de la méthode SSD (Single Seed Descent) sur blé en 1939, ou encore la première variété de blé issue de la technique d’haplodiploïdisation en 1985.
Chez Florimond Desprez, pour créer de nouvelles variétés de blé, d’orge et de triticale, c’est la sélection variétale qui est utilisée. Il s’agit de croiser deux plantes choisies (A et B, les parents) pour leurs caractères intéressants et complémentaires pour obtenir une descendance « améliorée ». À partir du premier croisement débute le processus de sélection : tous les enfants de la première génération seront similaires, puis ceux de la deuxième génération seront très différents. À partir de là, les plantes seront étudiées, sélectionnées de génération en génération et testées dans différents environnements. Il faut savoir que 8 à 10 ans sont nécessaires pour créer une nouvelle variété fixée et la commercialiser.
On peut citer 4 grandes étapes d’un schéma de sélection classique :
Il y a d’abord les méthodes de sélection variétale « ancestrales » :
Il y a d’abord les méthodes de sélection variétale « ancestrales » :
Et les méthodes de sélection variétale plus modernes, utilisées actuellement chez Florimond Desprez, comme nous l’explique Camille Wabinski-Dauchy, sélectionneur blé tendre :
Les méthodes varient selon le mode de reproduction de la plante. Ces méthodes de sélection s’appliquent dans le cadre de la sélection d’espèces autogames comme les céréales (blé tendre, blé dur, triticale, orge…), qui ont la capacité de s’auto-polliniser et produisent des descendances génétiquement similaires aux parents. Chez Florimond Desprez, nous travaillons également des espèces allogames comme la betterave sucrière, la betterave fourragère et la chicorée, qui nécessitent d’autres méthodes de sélection variétale.
Les objectifs de la sélection variétale sont nombreux, le but étant toujours d’améliorer la plante en créant des variétés combinant plusieurs caractères favorables à partir de la diversité existante. Cette amélioration peut viser à rendre une plante plus productive, plus résistante aux maladies et aux parasites, plus adaptée aux sols et aux climats, moins sensible au stress hydrique… Elle peut aussi toucher à d’autres caractéristiques plus physiques comme le goût et l’apparence, ou des qualités technologiques. Cela permet également de garantir une sécurité alimentaire, car les variétés et leurs apports, leurs taux de protéines etc. sont connus.
Les besoins sont également différents selon les espèces et leur sensibilité. De nouveaux critères émergent au fur et à mesure du temps, notamment avec des espèces plus résistantes au changement climatique ou nécessitant moins de produits phytosanitaires, par exemple.
Ces critères peuvent dépendre de nombreux facteurs. Par exemple, pour améliorer la productivité, qui est en général l’objectif premier de la sélection variétale, on peut réduire les facteurs limitant le rendement, mais aussi améliorer la physiologie des plantes : meilleure photosynthèse, meilleure croissance…
Pour le blé tendre, les critères les plus importants lors de la sélection sont :
Pour chaque espèce, des schémas de sélection adaptés ont été élaborés et optimisés, ce qui a permis d’importants progrès. Mais, étant donné que dans le cadre de la sélection variétale classique, il y a reproduction sexuée entre deux « parents », trois limites se posent : le temps, l’imprécision et l’incompatibilité. Comme expliqué précédemment, un cycle complet de sélection dure entre 8 et 10 ans, ce qui est assez long. Le manque de précision est inhérent au fait qu’on ne choisit pas quel génome spécifique résultera d’un croisement. On peut essayer de faire s’exprimer certains caractères au fil des sélections, mais, une fois encore, cela prend du temps. Et il arrive aussi parfois que deux parents soient génétiquement incompatibles et que le croisement ne donne rien, car l’embryon est avorté, le descendant est stérile ou il n’y a tout simplement pas fécondation. C’est principalement le cas dans le cadre de croisements interspécifiques.
Les biotechnologies permettent d’apporter des solutions aux limites de la sélection variétale classique. Pour réaliser des croisements interspécifiques, on peut par exemple utiliser des techniques de sauvetage d’embryons, de fusion de protoplastes ou de transgénèse pour obtenir des croisements viables et intéressants.
Pour réaliser des croisements plus précis, une meilleure connaissance du génome est indispensable. Grâce aux marqueurs moléculaires ou encore au séquençage, nous pouvons en savoir plus sur le génome d’une plante. De nouvelles techniques comme la mutagénèse, la transgénèse ou les NGT (New Genomic Techniques) sont également des outils à disposition du sélectionneur.
La sélection par haploïdes doublés (HD) permettent également de raccourcir la durée des cycles, en diminuant le temps nécessaire à la fixation de caractères et à la multiplication des génotypes intéressants. La sélection SSD est aussi une alternative intéressante.
On peut aussi cultiver en contre-saison dans d’autres endroits du globe pour pouvoir faire 2 récoltes en une année.
Certains critères sont très importants pour pouvoir inscrire une variété au catalogue officiel français, notamment la notion qu’une variété doit être distincte de toute autre variété, homogène au champ, et stable dans le temps (DHS). C’est pour cela qu’il est primordial d’avoir accès à des ressources génétiques (variétés anciennes, variétés étrangères, espèces apparentées…) pour la pérennité de la sélection variétale. Même si une variété semble peu adaptée aux besoins du sélectionneur d’un point de vue agronomique ou qualité, celle-ci peut présenter une caractéristique recherchée (comme une résistance aux maladies) qu’il est intéressant de transférer dans des variétés améliorées. Pour les espèces autogames, celles-ci ne se croisant que très peu entre elles, sans sélection variétale, nous ne pourrions pas répondre aux nouveaux besoins des agriculteurs, des industriels et des consommateurs et aux défis agroécologiques.
Il est également important d’étudier le génome de certaines ressources présentant une caractéristique intéressante (résistance à un champignon, teneur en protéines, hauteur, vernalisation…) pour identifier les gènes ou QTLs impliqués et en tenir compte dans les programmes de sélection, et accélérer le processus.
Pour la sélection de betteraves sucrières, c’est dans ce but que nous avons développé le programme AKER : il a permis de caractériser et d’utiliser la variabilité génétique de la betterave en constituant une collection de gènes en provenance de ressources du monde entier. Cela a permis de retenir 16 variétés de betteraves qui sont représentatives de toute la variabilité génétique de l’espèce.
C’est le rôle de la sélection conservatrice céréales, que ce soit en blé tendre, blé dur, orge et triticale : elle a pour objectif de maintenir la variété telle qu’elle a été décrite par le sélectionneur ou le CTPS lors de son inscription au catalogue officiel. Dans le cas d’une variété ancienne, le but est de la maintenir conforme à la description la plus fiable dont on dispose (ouvrage ancien, catalogue de graines, photo, témoignage de la personne auprès de qui la variété a été collectée) ou à la description que l’on en fera dès la première année de culture si on ne dispose pas de ressources à son sujet.
La sélection conservatrice nécessite de savoir conserver :
La pureté d’une variété peut vite se perdre, mais elle se restaure difficilement. Il faut donc prendre toutes les mesures nécessaires pour conserver la pureté et l’homogénéité de la variété. Il faut surtout éviter les nombreux risques de mélanges accidentels (notamment pour les plantes autogames).
La sélection variétale a donc, contrairement aux croyances populaires, pour objectif d’entretenir la diversité des plantes cultivées, car elles constituent un vivier indispensable à la création de nouvelles variétés.
Comme nous l’explique Sylvain Chombard, sélectionneur blé tendre chez Florimond Desprez, au-delà du laboratoire ou de la serre, l’expérimentation au champ est indispensable en céréales (blé tendre, blé dur, orge, triticale) pour évaluer les nouvelles variétés en conditions réelles de culture. Cela permet de leur faire subir des conditions climatiques différentes ou une pression de maladies et de parasites, par exemple. Grâce à cette analyse, l’efficacité du travail d’expérimentation est renforcée, et ce travail peut également être allégé en écartant des plantes de moindre intérêt.
La sélection variétale est donc un procédé très complexe, où beaucoup de critères sont à prendre en compte. Il faut aussi que le sélectionneur soit capable d’anticiper des besoins à 10 ans pour produire les variétés de demain. Ce n’est pas moins de 700 croisements qui sont effectués chaque année par nos sélectionneurs, mais seuls une poignée d’entre eux deviendront des variétés inscrites au CTPS.
Tout ceci se fait au service de l’agriculture, des agriculteurs, mais aussi des consommateurs, pour produire des variétés répondant toujours plus à leurs besoins. Par exemple, la sélection variétale du blé tendre présente de nombreux avantages pour les agriculteurs, les producteurs de farine et les consommateurs.
Tout d’abord, l’augmentation des rendements de blé tendre permet de nourrir une population croissante. De plus, l’amélioration de la qualité du produit final, en termes de caractéristiques nutritionnelles et technologiques, permet de répondre aux demandes des consommateurs et des producteurs de farine.
Enfin, la résistance accrue aux maladies et aux ravageurs permet de réduire l’utilisation de pesticides et de rendre la production plus durable.
Chez Florimond Desprez, la sélection variétale est une véritable passion, qui se traduit par un investissement important dans la recherche et le développement. Nous disposons de centres de recherche en France et dans d’autres pays, qui permettent de sélectionner les meilleures variétés adaptées aux différents climats et sols.
Le métier de sélectionneur est donc un métier qui allie passion, partage, patience et persévérance, conclue Anne Tissot, directrice de la recherche céréales et protéagineux chez Florimond Desprez.